
Les biosimilaires : une solution stratégique pour maîtriser les coûts de santé et renforcer l’accès aux traitements au Maroc
La récente confrontation entre Fouzi Lekjaa, ministre délégué en charge du Budget, et les grandes entreprises pharmaceutiques, comme rapporté par TelQuel, illustre un tournant décisif dans la politique de santé au Maroc. Au cœur du débat : la question des prix élevés des médicaments et leur impact sur l’accès aux soins pour la population. La réunion récente entre Lekjaa et la CGEM (Confédération Générale des Entreprises du Maroc) souligne l’urgence de réformes structurelles pour répondre aux défis d’accessibilité et de soutenabilité financière.
Dans ce contexte, le rôle des biosimilaires – ces alternatives aux médicaments biologiques coûteux – apparaît comme une opportunité stratégique pour le Maroc.
1. Un contexte favorable à l’adoption des biosimilaires
La réunion entre Lekjaa et la CGEM a mis en évidence la nécessité d’un meilleur encadrement des prix des médicaments et d’une réduction des marges excessives pratiquées par certaines entreprises pharmaceutiques. Selon le ministre, plus de 30% du budget de l’AMO est consacré au remboursement des médicaments, ce qui menace la viabilité financière du système. Lekjaa a pointé du doigt les marges excessives de l’industrie pharmaceutique, allant jusqu’à 300% pour certains médicaments importés. Cette situation n’est pas unique au Maroc : de nombreux pays africains font face à des défis similaires, où les coûts élevés des médicaments pèsent lourdement sur les systèmes de santé publics.
L’exemple de l’amoxicilline, l’antibiotique le plus vendu au Maroc, illustre parfaitement cette problématique. Alors que la matière première est importée de Chine à un coût variant entre 800 et 1000 dirhams le kilogramme, le prix public au Maroc atteint 4000 à 4500 dirhams, soulevant des questions sur la transparence des coûts et les marges réalisées par les acteurs du secteur.
2. Les biosimilaires : une solution économique et accessible
Les biosimilaires représentent une réponse à ces enjeux en offrant des alternatives moins coûteuses aux médicaments biologiques, souvent inaccessibles pour de nombreux patients. Selon le rapport Act4Biosimilars Regional Deep Dive Middle East and Africa, d’ici 2027, des médicaments biologiques d’une valeur de 1,6 milliard de dollars devraient perdre leur exclusivité dans la région Moyen-Orient et Afrique (MEA), ouvrant la voie à des biosimilaires plus abordables.
Les biosimilaires sont des copies quasi identiques de médicaments biologiques de référence, développées une fois que le brevet du médicament initial a expiré. Ces alternatives permettent une réduction des coûts de 15 à 30 % en moyenne par rapport à leurs homologues biologiques, tout en maintenant une efficacité et une sécurité équivalentes.
En septembre 2024, l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (AMIP) a annoncé son adhésion à l’International Generic and Biosimilar Medicines Association (IGBA) en tant que membre associé. Cette intégration marque une étape importante pour promouvoir l’accès aux médicaments génériques et biosimilaires à l’échelle mondiale, renforçant ainsi le potentiel du Maroc à devenir un acteur régional majeur dans ce secteur.
L’adoption des biosimilaires présente plusieurs avantages pour le Maroc :
- Réduction des dépenses de santé : Les biosimilaires peuvent soulager les budgets publics et privés consacrés à la santé, permettant de réallouer des ressources à d’autres priorités sanitaires. Exemple : En Afrique du Sud, bien que l’accès soit encore limité, les biosimilaires ont permis de réduire les coûts des traitements dans le secteur privé.
- Amélioration de l’accès aux traitements : En rendant les traitements plus abordables, les biosimilaires peuvent augmenter le nombre de patients traités, en particulier pour des pathologies graves comme le cancer ou les maladies auto-immunes.
- Renforcement de l’indépendance pharmaceutique : Le Maroc pourrait suivre l’exemple de la convention signée entre la Fondation Mohammed VI et Sothema pour produire localement des génériques et des biosimilaires, ce qui réduirait la dépendance aux importations.
Exemples internationaux :
- En Europe, les biosimilaires ont permis de réduire les coûts des traitements pour des maladies chroniques comme le diabète, le cancer et les maladies auto-immunes. Par exemple, l’introduction de biosimilaires de l’insuline a entraîné une baisse des prix de 20 à 30% dans plusieurs pays.
3. Les défis à relever pour une adoption réussie
Pour que les biosimilaires puissent réellement jouer leur rôle dans la réduction des coûts de santé, plusieurs obstacles doivent être surmontés :
- La réglementation : Le Maroc doit adopter des réglementations claires et adaptées pour évaluer, approuver et commercialiser les biosimilaires rapidement tout en garantissant leur qualité. L’exemple de l’Égypte, qui a mis en place une voie d’enregistrement accélérée, pourrait servir de modèle.
- L’éducation et la sensibilisation : Les professionnels de santé et les patients doivent être informés sur les avantages des biosimilaires pour favoriser leur acceptation.
- Le développement local : Investir dans la capacité de production nationale est essentiel pour réduire les coûts et assurer une disponibilité continue. À cet égard, les partenariats locaux comme celui signé entre Sothema et la Fondation Mohammed VI sont prometteurs.
4. Une opportunité pour le Maroc et l’Afrique
L’expérience marocaine pourrait servir de modèle pour d’autres pays africains confrontés à des problématiques similaires d’accès aux médicaments. En se positionnant comme un leader régional dans l’adoption des biosimilaires, le Maroc pourrait :
- Attirer des investissements étrangers dans le secteur pharmaceutique.
- Renforcer sa coopération avec des pays africains pour partager les bonnes pratiques.
- Promouvoir une stratégie panafricaine pour réduire les coûts des traitements biologiques.
Conclusion : Une transformation à encourager
La réunion entre Fouzi Lekjaa et la CGEM marque un moment crucial dans le débat sur les politiques de santé au Maroc. En s’attaquant aux coûts élevés des médicaments, le gouvernement ouvre la voie à des réformes structurelles qui pourraient intégrer les biosimilaires comme un pilier stratégique.
Le Maroc a l’opportunité unique de devenir un leader régional en matière de biosimilaires, en s’inspirant des modèles réussis à l’international. En investissant dans la production locale, en améliorant la réglementation et en menant des campagnes de sensibilisation, le Royaume peut non seulement garantir un accès équitable aux soins, mais aussi asseoir sa position comme moteur d’une stratégie africaine en matière de santé.
Comment le Maroc peut-il mobiliser efficacement ses ressources et ses acteurs pour transformer cette opportunité en un véritable succès régional ?