Réformer la santé publique au Maroc : entre ambitions et défis
Le Ministre de la Santé et de la Protection sociale, Amine Tahraoui, s’est adressé mardi 7 janvier aux députés marocains. Malgré des annonces significatives, cette intervention a révélé un paysage contrasté, mêlant avancées prometteuses et défis structurels persistants. Retour sur les principaux points de ce débat parlementaire.
Des réformes structurantes pour transformer le système de santé
Dans son allocution, le ministre a mis en avant deux axes majeurs de réforme :
- Le développement des infrastructures : parmi les initiatives annoncées, la construction de cinq nouveaux Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) et 40 unités de proximité témoigne de la volonté de moderniser le réseau de soins. Ces projets, représentant un investissement de 42 milliards de dirhams, visent à augmenter de 11 460 le nombre de lits disponibles dans les hôpitaux marocains.
- Renforcement de la protection sociale, Amine Tahraoui a présenté le projet de loi n° 54.23. Ce texte propose des modifications importantes à la loi n° 65.00 relative à l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO).
Les points de friction : lenteurs, priorités et transparence
Les députés ont pointé du doigt des points préoccupants, notamment concernant :
- La domination des cliniques privées, accentuée par des remboursements de la CNSS et de la CNOPS favorisant largement ce secteur, au détriment des structures publiques déjà sous pression.
- La Haute Autorité de la Santé, créée en 2024 mais toujours inactive en raison de l’absence de textes d’application. Ce retard compromet ses missions de régulation des caisses de mutuelles et de garantie de la qualité des soins.
- L’annulation d’un appel d’offres pour la digitalisation des dossiers médicaux a également suscité des interrogations. Ce projet, bien qu’alloué à hauteur de 190 millions de dirhams sous l’ancienne gestion, a été jugé « non prioritaire » par le ministre
Progrès et enjeux en matière de santé publique
Malgré ces obstacles, des progrès significatifs ont été réalisés :
- Renforcement des effectifs de santé : Avec 6 500 recrutements prévus d’ici 2025, le ministère entend combler le déficit de personnel médical, une condition essentielle pour améliorer la qualité des soins.
- Réduction de la mortalité infantile : Passée de 244 décès pour 100 000 naissances en 2000 à 72 en 2020, cette évolution reflète des améliorations dans l’encadrement médical.
Néanmoins, d’autres défis restent criants, notamment l’impact économique et sanitaire du tabagisme, responsable de 12 800 décès prématurés par an et pesant plus de 5 milliards de dirhams sur les dépenses de santé. Le ministre a évoqué des mesures préventives, mais leur efficacité à long terme dépendra de leur mise en œuvre rigoureuse.
Vers une souveraineté pharmaceutique : un chantier stratégique
Un autre volet central de l’intervention concernait la souveraineté pharmaceutique. La création de l’Agence nationale des médicaments et des produits de santé, couplée à des initiatives pour promouvoir les médicaments génériques, visent à garantir la sécurité d’approvisionnement et à promouvoir l’industrie pharmaceutique locale. De plus, des plans nationaux sont prévus pour lutter contre la pénurie de médicaments et encourager l’industrie pharmaceutique locale.
Conclusion : un équilibre à trouver entre vision et exécution
Le débat parlementaire a mis en lumière des ambitions importantes pour réformer le système de santé au Maroc. Toutefois, la réussite de ces réformes dépendra de la capacité à surmonter les retards structurels, à instaurer une transparence accrue et à aligner les priorités sur les besoins réels des citoyens.
Dans un contexte où la confiance dans les institutions publiques reste un enjeu crucial, la question demeure : comment le Maroc peut-il traduire ces ambitions en résultats tangibles pour construire un système de santé inclusif et durable, à la hauteur des aspirations de ses citoyens ?