Santé mentale au Maroc : État des lieux, recommandations et perspectives
La santé mentale demeure un enjeu majeur au Maroc, affectant des milliers de citoyens tout en étant un facteur clé de développement économique et social. Le dernier rapport de la Cour des comptes met en lumière des insuffisances structurelles et des défis à relever pour garantir un accès équitable à des soins psychiatriques de qualité. Cet article une synthèse des conclusions de la Cour des comptes et des recommandations stratégiques pour transformer ce secteur.
État des lieux alarmant
- Capacités insuffisantes d’accueil et de soins
Le Maroc dispose actuellement de 11 hôpitaux psychiatriques et de 32 services de psychiatrie intégrés dans des hôpitaux publics, complétés par 4 cliniques privées. Ces infrastructures réunissent un total de 2 466 lits psychiatriques dans le secteur public, soit un ratio de 6,86 lits pour 100 000 habitants, bien en deçà de la moyenne mondiale de 10,8 lits. Près de 48 % de ces capacités sont concentrées dans les régions de Casablanca-Settat et Marrakech-Safi, creusant davantage les disparités territoriales. - Un personnel insuffisant et mal réparti
Avec seulement 407 psychiatres (public et privé confondus) et 32 psychiatres pour enfants, la densité nationale est de 1,13 psychiatre pour 100 000 habitants, bien inférieure aux besoins. Ce manque de ressources humaines contribue à l’aggravation des inégalités régionales. - Absence de suivi post-hospitalisation
Selon les données disponibles, 67 à 90 % des patients hospitalisés en psychiatrie sont rêdmis faute d’un suivi adéquat et de programmes de réinsertion sociale. - Un financement insuffisant
La part de la santé mentale dans le budget de la santé reste marginale, limitant les investissements dans les infrastructures, la formation et les programmes de prévention.
Recommandations de la Cour des comptes
Le rapport de la Cour des comptes préconise plusieurs mesures pour pallier ces insuffisances :
- Augmentation des investissements dans les infrastructures psychiatriques, notamment dans les régions défavorisées.
- Renforcement de la formation et du recrutement de professionnels de santé mentale, avec un accent particulier sur les psychiatres pour enfants et les psychologues.
- Mise en place de programmes de prévention et de sensibilisation pour lutter contre la stigmatisation de la santé mentale.
- Amélioration du suivi post-hospitalisation, incluant la réinsertion sociale et professionnelle des patients.
Les perspectives
Face à ces défis, une approche holistique pourra répondre aux besoins urgents tout en construisant des bases solides pour l’avenir :
- Décentraliser les services de santé mentale
Accroître la présence de centres psychiatriques et de personnel qualifié dans les régions rurales et défavorisées. Cela inclut des unités mobiles pour atteindre les zones les plus isolées. - Intégrer la santé mentale dans les soins de santé primaires
Former les médecins généralistes et les infirmiers à dépister et à gérer les troubles mentaux courants. - Adopter une approche communautaire
Encourager les initiatives locales pour sensibiliser les populations, déstigmatiser les troubles mentaux et renforcer les réseaux de soutien social. - Soutenir la recherche et l’innovation
Financer des études et des projets innovants pour développer des solutions adaptées au contexte marocain.
Conclusion
La santé mentale est un pilier fondamental de la santé publique et du développement durable. L’inaction aurait des conséquences coûteuses, tant sur le plan humain qu’économique. En adoptant une vision ambitieuse et en mobilisant l’ensemble des acteurs – gouvernement, société civile et secteur privé –, le Maroc peut transformer ce secteur en un modèle de résilience et d’équité.