
GST au Maroc : une réforme ambitieuse entre optimisation des ressources et défis de gestion
Les Groupements Sanitaires Territoriaux (GST) représentent une réforme structurante du système de santé marocain, visant à décentraliser et régionaliser la gestion des établissements de santé. Cette réforme, encadrée par la loi n° 08-22 et soutenue par le Nouveau Modèle de Développement (NMD), a récemment franchi une étape clé avec la publication du décret n° 2.23.1054 le 7 avril 2025.
Présentation des GST
Les GST, ou Groupements Sanitaires Territoriaux, sont un nouveau modèle d’organisation des établissements de santé publics au niveau régional. Ils remplacent les Directions Régionales de Santé (DRS) et agissent comme des instruments de pilotage régional pour la santé.
Chaque GST est doté d’une personnalité morale, d’une autonomie financière et de gestion, tout en restant sous la tutelle de l’État, ce qui semble indiquer une gestion autonome mais dépendante des fonds publics, comme discuté dans une analyse précédente.
Les exceptions incluent les hôpitaux militaires, les bureaux de santé collectifs et les établissements soumis à des textes réglementaires spécifiques.
Structure et gouvernance selon le nouveau décret
Le décret n° 2.23.1054, publié le 7 avril 2025, met en œuvre les articles 3, 6 et 20 de la loi n° 08-22, adoptée en juillet 2024 avec des modifications ultérieures. Ce décret officialise la création de 12 GSTs, un pour chaque région marocaine, avec les sièges suivants : Tanger-Assilah (Tanger-Tétouan-Al Hoceima), Oujda-Angad (Oriental), Fès (Fès-Meknès), Rabat (Rabat-Salé-Kénitra), Béni Mellal (Béni Mellal-Khénifra), Casablanca (Casablanca-Settat), Marrakech (Marrakech-Safi), Errachidia (Deraâ-Tafilalet), Agadir Ida-Outanane (Souss-Massa), Guelmim (Guelmim-Oued Noun), Laâyoune (Laâyoune-Sakia El Hamra), et Oued Eddahab (Dakhla-Oued Eddahab).
Chaque GST est composé de tous les établissements de santé publics de son territoire, à l’exception des exclusions mentionnées. Le conseil d’administration de chaque GST est présidé par le chef du gouvernement ou une autorité déléguée, et inclut :
- Un représentant du chef du gouvernement.
- Un représentant de l’autorité de santé.
- Un représentant de la protection sociale.
- Un représentant de la formation professionnelle.
- Un représentant de l’enseignement supérieur et de la recherche.
- Un représentant du service de santé des forces armées royales.
- Un représentant de la Haute Commission pour la Planification.
- Trois enseignants-chercheurs en médecine et dentisterie, élus par décret conjoint des autorités de santé et d’enseignement supérieur.
- Trois autres professionnels de santé (un du Conseil de l’Ordre des médecins, dentistes et pharmaciens, deux des infirmiers et techniciens de santé), également élus.
- Trois membres indépendants avec expertise médicale, désignés par décret de l’autorité de santé.
Le transfert des actifs, notamment mobiliers et immobiliers utilisés dans les centres de santé, est régi par l’article 20 de la loi n° 08-22, fixé par décret conjoint des autorités des finances et de la santé.
Principes et objectifs des GST
Les objectifs principaux des GST incluent la régionalisation de la santé pour assurer une meilleure coordination entre établissements, une gestion optimisée des ressources humaines et matérielles, un parcours de soins plus fluide, et un renforcement de la santé publique. Leurs missions s’étendent sur cinq volets : l’offre de soins, la santé publique, la formation des professionnels de santé, la recherche et l’innovation. Les étudiants en santé effectueront leurs stages dans les différentes unités (CHU, CHR, CHP) accréditées, supervisés par des professeurs universitaires (CHU) ou des chefs de service formés (CHR/CHP).
Points forts et points faibles
Les GST présentent plusieurs atouts, notamment :
- Mutualisation des ressources : En mettant en commun les moyens, ils optimisent l’utilisation des ressources.
- Organisation cohérente : Tous les établissements sous une seule autorité facilitent la gestion des parcours de soins, la répartition des ressources et l’orientation des patients, réduisant les temps d’attente.
- Partenariat public-privé renforcé : En fusionnant les ressources publiques, les GST augmentent le poids du secteur public face au privé, favorisant une collaboration plus équilibrée.
Cependant, des défis importants subsistent :
- Taille importante : Par exemple, à Rabat-Salé-Kénitra, plus de 350 établissements de santé sont inclus, rendant la gestion complexe et risquant de surcharger la structure.
- Différences culturelles : Les CHU, axés sur les soins tertiaires (complexes, formation des étudiants), et les CHR/CHP, centrés sur les soins primaires (prévention, gestes simples), présentent des mentalités divergentes, compliquant l’intégration.
Conclusion
En somme, les GST offrent une opportunité unique de régionaliser et d’optimiser la santé au Maroc, mais leur succès dépendra de la capacité à transformer ces ambitions en résultats concrets sur le terrain.Dès lors, comment les acteurs publics, privés, professionnels de santé et citoyens peuvent-ils collaborer pour faire des GST un levier d’équité et d’innovation, tout en surmontant les tensions entre centralisation et autonomie régionale ?